Denis Jacquet, président du think tank Parrainer la croissance
Connu pour son franc-parler, le serial entrepreneur, président de Parrainer la croissance analyse les mesures en faveur des TPE-PME, censées stimuler la croissance. Et il commence fort : « Ce que le gouvernement nous propose là est bien. Mais ne créeront ni emploi ni croissance. Il facilitera la vie des entrepreneurs, mais n’engendre pas de dynamique d’investissement et de croissance débridée. Il a pris à chaque fois le quart de la mesure courageuse qui elle, aurait changé la donne. Un quart de courage ne produira pas un quart de point d’emploi. Ni de croissance. Dommage. Monter de trois crans à l’échelle du courage assurerait la France de gravir l’échelle des leaders de l’économie mondiale ».
Les mesures annoncées par le gouvernement en faveur des PME sont-elles bonnes pour les entreprises ?
Denis Jacquet : Ce sont de bonnes mesures, individuellement, car elles reconnaissent qu’il existe une spécificité PME et TPE. Presque une exception « culturelle ». Nous sommes un des rares pays sans « classe moyenne ». Il n’y a que du petit ou du très gros, rien au milieu. On sort enfin d’une logique uniquement axée sur les grands groupes, conquérants certes, mais qui ne génèrent plus d’emplois nets en France depuis plus de 10 ans. Articuler, réfléchir, structurer la vision économique sur eux a étouffé la croissance des PME et les a condamnées au nanisme. Prévoir des mesures PME est une première. Il faut s’en féliciter.
Quel en sera l’impact ?
D.J. : Ces mesures ne changeront-elles rien à l’emploi et la croissance . Parce que ce sont des demi-mesures, faites à la va-vite, à partir d’un catalogue hétéroclite, issues de discussions de comptoir et de catalogues patronaux à la Prévert. Elles ne sont nullement le fruit d’une vision et d’une stratégie du Tout PME, qui aurait permis d’être « fou », ou tout du moins audacieux, et de tenter ce qui ne l’a jamais été avant, pour faire d’une partie de nos fourmis, des géants. Une économie se met en marche par la confiance.
Pourquoi le dispositif est-il mal perçu par une partie de la gauche ?
D.J . : Parce que la gauche a oublié que son histoire est libérale et qu’elle consistait à lutter contre l’ordre établi. Parce que cette gauche ne comprend rien à l’entreprise et se situe toujours dans un schéma de lutte des classes, dans lequel une mesure favorable aux entreprises est un cadeau au patronat. Posture dépassée et pitoyable. Car cette gauche-là, celle des frondeurs, est devenue conservatrice. Et bourgeoise. Au sens crasse du terme.
Pour donner confiance aux PME que devrait faire le gouvernement ?
D.J. : Il faut leur indiquer que le marché leur est ouvert. Or les achats de la commande publique et privée, se ferment un peu plus à elles chaque jour. Ainsi privée d’oxygène, une PME ne peut pas envisager d’investir, embaucher, de se projeter. C’est un problème qu’il faut régler urgemment.
Il convient de leur indiquer qu’elles seront payées. Les PME dépendent des grands groupes, qui les paient mal et avec retard. Une société en croissance peut même mourir faute de trésorerie. C’est un tue-l‘amour. Il faut passer les délais à 30 jours.
Il importe également de leur indiquer qu’elles n’ont pas à avoir peur d’embaucher. Le contrat unique, qui sera aussi une protection pour les salariés, car ils ne seront plus divisés en deux catégories, les précaires et les autres, est la solution. Pouvoir recruter et ne pas se poser de question sur le dénouement si le marché se retourne. Contrairement à ce que dit la gauche, ce n’est pas la précarité pour le salarié, c’est sa garantie d’être embauché qui se joue là.
Enfin, la PME ne doit pas avoir peur d’innover. Quand dans plus de 60 % des cas, ceux qui demandent le crédit impôt recherche subissent un contrôle fiscal et social, on punit ceux qui osent. Au final, il faut qu’on lui dise qu’on l’aime, qu’on compte sur elle, que la société entière va se structurer autour de sa réussite. Pas de déclarations. Des actes d’amour ! Arrêtons les primes à l’embauche qui sont des primes à la casse. Les CDD renouvelés à la poubelle. Un contrat unique. La sanction des dépassements de délais ? Non. Supprimons les délais eux-mêmes. Paiement à 30 jours. Revoyons les codes des marchés publics et bâtissons un plan achat PME par les grands groupes. Lançons une politique massive de simplification.