Interview de Heric Quettelart, président de la Fédération française des Geiq (FFGEIQ)
Les Geiq sont des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification. Il s’agit d’un outil au service des entreprises qui souhaitent prendre en main l’insertion en pariant sur le potentiel de personnes éloignées du marché du travail afin de répondre à leur besoin de recrutement. Quelle sera leur place dans un paysage économique mouvant, sur fond de réformes économiques et territoriales. Le président de la fédération fait le point.
Est-il nécessaire de maintenir la spécificité des GEIQ ? Ne serait-il pas judicieux de regrouper tous les dispositifs et filières d’insertion ?
Il s’agit d’un dispositif qui part d’un besoin de l’employeur mais aussi du salarié notamment dans l’adaptation de la formation à leur niveau de qualification. Rappelons que par rapport à d’autres dispositifs d’insertion, le Geiq embauche via des contrats d’alternance (contrats de professionnalisation, contrat d’apprentissage ou contrats d’insertion assortis d’une période de professionnalisation) puisque son objectif est de faire sortir les salariés de l’accompagnement avec une qualification et un emploi. L’accompagnent et le tutorat contribuent significativement à nos bons résultats. Les Geiq ont donc une véritable spécificité qu’il faut conserver et valoriser, car nous obtenons des résultats significatifs : 81 % de qualification, et 68 % de sorties vers l’emploi à l’issue du parcours.
Plusieurs dispositifs récents sont de nature à faciliter la vie des groupements. Mais peut-on aller plus loin ? Quelles propositions faites-vous dans ce sens ?
Certaines annonces de la loi Macron sont effectivement très positives, comme par exemple le relèvement de la provision pour la responsabilité solidaire en rendant le montant proportionnel à la masse salariale, contre 50 k€ maximum, aujourd’hui.
Les Geiq ont une dimension sectorielle. Quelles activités sont les plus impliquées et les moins impliquées, actuellement, et pour quelles raisons ?
Les Geiq se développent actuellement sur près de 20 filières professionnelles, autour de 9 grands secteurs d’activités. Historiquement, le BTP est le secteur le plus représenté, soit près d’un tiers des groupements. Les deux autres tiers se développent sur des secteurs tels que le transport, la propreté, la logistique, la relation client, l’agriculture… Certains sont multisectoriels. Nous avons aussi quelques cas atypiques, dans le secteur du théâtre par exemple, ou dans les métiers d’aide aux bergers. Chaque Geiq, quel que soit son activité, est impliqué de la même manière, ce qui est notamment dû au fait que leur qualité est réexaminée chaque année. Quant à leur développement, il dépend de la mobilisation des entreprises sur le territoire qui diffère en fonction des secteurs d’activités et des régions. Depuis décembre 2014, une dizaine de groupements ont été créés.
La réforme de la formation professionnelle est-elle de nature à accroître le soutien des Opca aux GEIQ ou du moins à les rapprocher de vos actions ?
La formation est au cœur du dispositif. Il est donc évident que les Opca sont un soutien indéniable. C’est pourquoi, suite à la réforme, la FFGEIQ a tenu à rencontrer l’ensemble des organismes collecteurs afin de s’assurer de leur appui. Leur évolution reste au cœur de nos préoccupations. Les Geiq ont d’ailleurs obtenu le soutien du FPSPP, qui a accordé à la fédération une dérogation sur les forfaits éligibles à la péréquation pour les actions de formations des contrats de professionnalisation portés par les membres.
Dans un contexte budgétaire contraint et sur fond de réforme territoriale, quel est l’état des relations entre la Fédération des GEIQ et les collectivités territoriales ?
La réforme territoriale ne devrait pas avoir un impact particulier sur le fonctionnement des structures, du moins d’un point de vue financier. Le Geiq est financé à 75 % par les entreprises, entre 10 et 15 % par l’Opca et entre 5 et 10 % par l’État. Mis à part quelques conseils régionaux, les collectivités territoriales contribuent très peu, financièrement.
La fédération présente habituellement un bilan quantitatif de l’action des Geiq. A-t-elle une vision aussi précise de la qualité et de la pérennité des emplois générés ?
Effectivement, chaque année, la Fédération française des Geiq s’efforce de produire des statistiques précises et concrètes quant aux résultats sur l’année écoulée. Sur la totalité d’un parcours, nous sommes en mesure de savoir quel type de contrat a été réalisé, pour combien de temps, quelle était la qualification visée, si le salarié l’a obtenue, et s’il a été embauché par l’entreprise, et sur quel contrat. Cependant, la vocation première est de s’assurer du bon déroulement du parcours, de l’entrée du salarié, jusqu’à sa sortie. Il n’a donc pas vocation à suivre le salarié au-delà de son parcours.
Malgré leurs bons résultats en matière d’insertion, le dispositif que vous représentez ne semble pas avoir, dans le public comme auprès des pouvoirs publics, la reconnaissance qui devrait être la leur. Comment expliquez-vous ce « déficit » et comment pensez-vous y remédier ?
Il est vrai que malgré leur plus-value, les Geiq n’ont pas toujours été mis en lumière comme ils le méritaient. Cependant, 2014 et 2015 marquent une véritable distinction dans la reconnaissance par les pouvoirs publics. Au-delà d’une reconnaissance dans la loi sur la formation professionnelle, l’Igas a réalisé un rapport encourageant leur développement. Ils font également partie du plan de lutte contre le chômage de longue durée annoncé par François Rebsamen en février dernier. De même, l’arrivée du contrat starter a permis de les valoriser, puisque ce contrat leur est réservé, tout comme les entreprises du secteur marchand. La FFGEIQ reste dans l’attente de la parution d’un décret relatif à la procédure de la reconnaissance de la qualité de Geiq au sujet duquel le Cnefop a donné un avis favorable le 9 juin dernier. L’appellation sera désormais attribuée par la FFGEIQ, pour une durée d’un an, sur avis conforme d’une commission mixte nationale composée de représentants de la Fédération, de représentants du ministre chargé de l’emploi et d’une personne qualifiée, tous désignés pour une durée de 4 ans. Nous devons aussi nous connaître davantage, notamment des branches et des décideurs. C’est l’un de nos objectifs pour les années à venir. Des tribunes et une meilleure visibilité dans les médias font également partie de notre stratégie.