Sylvie Thonerrieux : « La santé au travail, l’équité et la RSE sont prises en compte par les consommateurs »

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La Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, instituée à l’initiative de l’Organisation internationale du travail est célébrée ce vendredi 28 avril. Toutes les 15 secondes, un travailleur meurt d’un accident ou d’une maladie liée au travail, soit 6 300 personnes par jour. Pour identifier, prévenir et atténuer les risques de violation des droits humains dans l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement, les entreprises mènent des audits sociaux dans leurs filiales ou chez leurs sous-traitants avec le concours d’experts, au nombre desquels figure Acte international, spécialiste du global supply chain management. Cette entreprise réalise chaque année 250 jours d’audits sociaux dans le monde entier, principalement en Asie ou au Maghreb à la demande des donneurs d’ordre français et européens. Sylvie Thonerrieux, responsable du service social, éthique et environnement, répond à trois questions.

 

Presque quatre ans jour pour jour après le drame du Rana Plaza, où plus de 1100 personnes ont perdu la vie, la situation a-t-elle évolué ?

 

Sylvie Thonerrieux: Les catastrophes sociales et environnementales comme celle du Rana Plaza ont servi de catalyseur à une prise de conscience plus large ». Depuis, les gouvernements et les grandes organisations internationales comme l’OCDE ou les Nations-Unies ont lancé un appel commun pour la mise en place de stratégies de prévention. Malgré ces principes directeurs forts et une réglementation nationale existante, les risques dans les pays à faible coût de main-d’œuvre sont bien réels. « L’absence de contrôles dans ces pays souhaitant rester attractifs, favorise le laxisme de certains patrons d’usines qui opèrent en quasi impunité. De plus, le coût lié aux accidents du travail et aux maladies professionnelles y est trop faible pour espérer faire de la prévention. Au cours de nos audits, nous constatons encore beaucoup d’absences de précautions minimum de sécurité : issues de secours fermées, escaliers trop étroits, systèmes d’aération inexistants, installations électriques déficientes, etc.

 

 

Quels sont les moyens pour limiter les risques éthiques, sociaux et environnementaux dans le monde et quelle réponse apporte la loi française sur le devoir de vigilance, adoptée en février dernier ?

 

Sylvie Thonerrieux :  Fabrication française ou sous-traitance à l’étranger, les entreprises ont désormais les mêmes devoirs et responsabilités. L’enjeu de la loi sur le devoir de vigilance est de prévenir et d’atténuer les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux et les atteintes aux droits de l’homme dans toute la chaîne d’approvisionnement des multinationales, dont le siège est situé en France. Un objectif réalisable avec la mise en place d’un Plan de vigilance, rendu obligatoire par la loi.  À compter du 1er janvier 2018, les entreprises concernées, -c’est-à-dire les grands groupes comptant de plus de 5 000 salariés en leur sein et dans leurs filiales, dont le siège est situé en France, ou 10 000 salariés y compris dans les filiales, dont le siège se situe en France ou à l’étranger- devront témoigner de mesures efficaces pour identifier et prévenir les risques dans l’ensemble de leur écosystème : cartographie complète, procédures d’évaluation des sous-traitants et fournisseurs, charte éthique… etc.

 

Certains acteurs économiques estiment que cette loi porte un coup à l’attractivité de la France et à la compétitivité des entreprises. L’intérêt pour ces dernières est-il bien réel ?

 

Sylvie Thonerrieux: Dans une ambiance mondiale de rébellion contre les systèmes économiques trop inégalitaires, les entreprises ont tout à gagner à adopter une démarche RSE ambitieuse. La pérennité de l’entreprise passe de plus en plus par la mise en pratique réelle de principes d’équilibre social, d’équité et de respect de l’environnement. Ces aspects sont aujourd’hui pris en compte par les consommateurs, investisseurs, actionnaires ou encore acheteurs dans le cadre d’appel d’offres. La progression sur ces questions paraît inévitable. Attendre, c’est seulement reculer pour mieux sauter.

 

copyright  Photo Emmanuelle FREGET