« L’Europe a besoin de changer de cap par rapport à une gouvernance de l’économie basée sur les politiques d’austérité et de rigueur comptable. Ces politiques ont été incapables de sortir l’Europe de la crise et, au contraire, ont provoqué le ralentissement de la croissance économique européenne. En outre, ces politiques ont accru les différences et les inégalités entre les différentes régions d’Europe et même à l’intérieur des Pays en éloignant la possibilité d’atteindre les objectifs de convergence et d’intégration, en mettant en péril la cohésion sociale et la solidarité. Après des années de crise économique et de mauvaises solutions, le temps est venu pour une politique de l’investissement, du développement économique et de la création d’emplois stables et de qualité. Pour cette raison, nous demandons aux autorités nationales et européennes d’ouvrir avec la Confédération européenne des syndicats (CES) une discussion sur « Une nouvelle voie pour l’Europe», à savoir la proposition d’un vaste plan d’investissements européens pour la croissance durable et l’emploi. A la lumière de la situation économique et sociale qui s’aggrave en Europe, cette proposition est particulièrement urgente et doit donc être insérée dans le programme de travail de la nouvelle Commission européenne.
Le dialogue entre les partenaires sociaux – renouvelé et renforcé dans son sens et sa valeur – est la pierre angulaire du modèle social européen et l’un des piliers sur lesquels le succès de l’économie européenne a été fondé dans les décennies passées. Aujourd’hui ce modèle est attaqué et remis en cause au niveau national et européen, selon la conviction erronée qu’il représente un obstacle au développement. En revanche, un système de relations bien structuré et efficace est essentiel pour créer les meilleures conditions pour mettre fin à la crise et relancer la reprise économique, à travers la recherche de solutions partagées, tant pour les choix des gouvernements nationaux que pour la négociation collective. Si les gouvernements et les entreprises décident tout seuls, sans un échange de vues et sans la participation effective des partenaires sociaux, les mesures adoptées ne pourront pas produire des résultats positifs.
Les réformes de la législation du travail et du marché du travail, adoptées au cours des dernières années dans plusieurs pays européens, ont souvent conduit à plus de précarité et d’incertitude dans le monde du travail, dans l’illusion que cela conduirait à une plus grande compétitivité. Dans les pays où ces réformes ont été faites sans la participation des organisations de travailleurs, elles ont abouti à une augmentation du chômage et de l’inégalité de traitement des travailleurs, à la réduction des protections et à l’affaiblissement des conventions collectives. Pour ces raisons, nous réaffirmons que l’emploi stable, décent et de qualité devrait être le point de repère pour l’avenir, que la flexibilité ne peut pas et ne doit pas devenir précarité, que la négociation des salaires effectifs et des conditions de travail doit rester une responsabilité autonome des partenaires sociaux, que les droits et les protections fondamentaux des travailleurs ne doivent pas être soumis à des mesures unilatérales. C’est par la négociation avec les organisations syndicales que l’on pourra conduire des réformes permettant de surmonter la crise et de faire progresser la justice sociale. Une telle démarche est indispensable pour que les travailleurs se sentent partie prenante du projet européen.
L’Europe doit changer pour individualiser un nouveau parcours pour sa construction, visant à une architecture institutionnelle profondément différente, basée également sur le transfert des pouvoirs vers les institutions élues directement, à une juste et démocratique gouvernance économique, ainsi que l’union bancaire et fiscale.
L’Europe doit définir des processus décisionnels plus démocratiques et participatifs, afin d’augmenter sa fiabilité et sa transparence envers les citoyens européens.
Cela vaut également pour les questions liées aux traités commerciaux internationaux, à partir des accords avec le Canada et les États-Unis.
Pour l’ensemble de ces objectifs, les leaders des syndicats européens réunis aujourd’hui à Rome ont confirmé leur volonté commune d’avancer ensemble, de construire une Europe des droits et du travail comme modèle de développement et de cohésion »