
L’Institut Montaigne publie l’édition 2022-23 du baromètre du fait religieux en entreprise. En s’appuyant sur un questionnaire réalisé à l’été 2022 auprès de plus de 1000 cadres et managers, cette neuvième édition fait apparaître la présence de la religion dans les situations de travail se confirme, avec 2 entreprises sur 3 marquées par des actes, des comportements ou des demandes à dimension religieuse. Par ailleurs, face à une augmentation des comportements rigoristes, les voix sont plus nombreuses à revendiquer une forme de neutralité religieuse dans l’espace public comme privé.
« Alors même que le phénomène est de plus en plus connu et que les organisations développent des outils de gestion du fait religieux, cette normalisation en entreprise n’est pas toujours suivie d’une normalisation des comportements et de nouvelles situations dysfonctionnelles apparaissent », analyse Lionel Honoré, directeur de l’Observatoire du fait religieux en Entreprise (photo). Il précise : « Sans cesse réinventé, le fait religieux nécessite d’être appréhendé de manière singulière d’une situation et d’une personne à l’autre. Son management est donc davantage affaire de méthodes que de solutions définitives. ».
Le baromètre note que la majorité des situations de travail ne sont pas concernées par les dysfonctionnements liés au fait religieux. Selon l’échelle de mesure du degré de dysfonctionnement organisationnel généré par le fait religieux au travail réalisée dans le cadre de cette étude, dans 54 % des cas, les dysfonctionnements liés au fait religieux sont faibles (contre 58 % en 2020-21 et 63 % en 2019). Toutefois, la part des situations dysfonctionnelles augmente régulièrement : 28 % de cas dysfonctionnels modérés contre 26 % en 2020-21 et 25 % en 2019, et 18 % de cas fortement dysfonctionnels contre 16 % en 2020-21 et 12 % en 2019.
La part des situations nécessitant une intervention managériale et aboutissant à des tensions et des conflits atteint 21 % en 2022 contre 19,5 % en 2020-21 et 6 % en 2013 La majorité des personnes interrogées ne considèrent pas repérer de comportements religieux rigoristes dans leur situation de travail. Toutefois, cette tendance semble être à la baisse puisqu’en 2022, 14 % des interrogés repèrent régulièrement des comportements religieux considérés comme rigoristes, contre 7,8 % en 2019. Si la typologie des faits rencontrés est la même que les années précédentes, ceux ayant une dimension transgressive et dysfonctionnelle continuent à progresser : 23 % des situations repérées sont à forte densité de fait religieux, contre 22 % en 2019-20 et 19 % en 2018.
La majorité des répondants (70 %) considèrent que le principe de liberté religieuse doit être pris en compte par les entreprises avec comme limite la bonne réalisation du travail. Paradoxalement, la même proportion considère que le champ d’application du principe de laïcité devrait être étendu aux entreprises privées (70 %, contre 68,7 % en 2021 et 64 % en 2019). Parallèlement, les situations de stigmatisation et de discrimination progressent : elles sont régulièrement ou occasionnellement repérées par 30 % des répondants, contre 27 % en 2020-21 et 19,3 % en 2019. Elles touchent tous les pratiquants quelle que soit leur religion, bien que la discrimination à l’embauche concerne principalement les salariés musulmans.
Si le fait religieux est quantitativement peu genré (53 % des situations impliquent des femmes et des hommes), il l’est en revanche davantage qualitativement. Les faits religieux féminins sont moins dysfonctionnels car principalement centrés sur le port de signes ou des demandes d’absence. À l’inverse, les comportements rigoristes et dysfonctionnels issus de faits transgressifs (refus de réaliser des tâches, refus de travailler avec des personnes, etc.) sont plus souvent le fait d’hommes jeunes, peu qualifiés et le plus souvent musulmans.