Interrogés en octobre dernier par l’observatoire économique de la profession, les organismes de formation se sont déclarés « en difficulté », principalement pour cause de mise en oeuvre cahoteuse de la réforme induite par la loi du 5 mars 2014. Un texte que les deux tiers d’entre eux apprécient négativement. Tout en pronostiquant une baisse de leur chiffre d’affaires à la fin de l’année, ils ont assuré avoir déjà subi une importante érosion des marges. À peine un sur quatre espère un accroissement de son carnet de commandes l’an prochain. Tout cela sur fond d’intensité concurrentielle, et de renforcement du pouvoir de négociation des acheteurs. Sans parler de la montée en puissance des moocs et autres produits de substitution plus économiques.
Pourtant, le secteur n’a jamais attiré autant d’entrants. Les opérateurs en place sont les premiers à le constater. La moitié estiment que le rush des nouveaux venus est un frein au développement de leur activité, qu’ils ressentent bien avant la tension sur les tarifs. En 2014, selon le dernier rapport d’activité des services de contrôle de la DGEFP, 14815 nouveaux organismes ont déposé un dossier d’enregistrement. La grande majorité a obtenu son visa haut la main. Seuls 2177 postulants ont été recalés, pour des motifs divers: pièces justificatives manquantes ou non transmises, spécialité hors sujet (soin thérapeutique, bien-être, coaching), ou encore défaut de qualification du porteur de projet.
Rien ne semble arrêter l’attractivité de ce secteur. Au 1er janvier 2015, le ministère du Travail estimait le nombre de prestataires à 74144, en hausse de 18% depuis 2012. On dénombrait alors 62658 acteurs, ce qui traduisait déjà une hausse de 6,8% par rapport à 2011. La flambée s’explique par l’importance de la manne. Évalué à 13,6Mds€, le chiffre d’affaires cumulé des intervenants enfle au fil des ans, sous le double effet de la population de stagiaires et de la durée moyenne d’apprentissage.
Une flambée ininterrompue
En outre, le ticket d’entrée reste modeste. Aucun investissement particulier n’est nécessaire, si ce n’est l’embauche de formateurs, pas forcément en CDI. Aucune condition juridique n’est imposée. Il suffit de répondre à quelques obligations administratives, dont les plus importantes restent la déclaration d’activité et le bilan pédagogique et financier.
La première démarche s’impose dès la conclusion d’une convention ou d’un contrat. Mais elle devient caduque si la structure n’a pas d’activité pendant un an. Plus complexe, le bilan pédagogique et financier n’est pas pour autant contraignant. Déclaratif, il est constitué de trois parties. La première identifie la société. La deuxième aborde l’activité annuelle sous l’angle économique. La dernière détaille le nombre et caractérise les stagiaires accueillis. De l’aveu même des organismes de contrôle, ces bilans, remplis de manière hétérogène par les sociétés assujetties, ont leurs limites. En témoigne la faible proportion de professionnels pris en défaut et exclus. Ils étaient seulement 7244 dans ce cas, au 1er janvier 2015.
158 agents de contrôle surveillent plus de 74000 intervenants qui brassent 14mds€ de chiffre d’affaires.
Des contrôles non exhaustifs
Les vérifications effectuées par les Direccte demeurent très sélectives. L’année dernière, elles n’ont porté que sur 630 opérateurs, sur un périmètre financier de 173,6M€, sans commune mesure avec le chiffre d’affaires global du métier. Les dossiers clos en 2014 ont donné lieu à 254 décisions préfectorales de corrections financières, pour un montant total de 19,4M€. Pas de quoi décourager les aventuriers, encore nombreux dans la profession. Même si la Fédération de la formation professionnelle répète que la qualité fait partie de son ADN, tous les organismes n’y adhèrent pas et l’ensemble des cotisants ne dispose pas de certifications ni de labels. La loi de mars 2014 renforce le contrôle a priori. Mais on en ignore encore l’impact réel.