Les organisations patronales et syndicales s’activent avec l’état pour faciliter la mise en oeuvre de l’accord portant réforme de la formation professionnelle qu’ils ont signé le 14 décembre 2013, et qui a été transposé dans la loi. Mais certains acteurs font la grimace. Ils vont devoir faire des efforts.
Négociatrice du Medef dans le cadre de l’accord sur la réforme de la formation professionnelle, bombardée dans la foulée présidente de la commission éducation, formation et insertion, au sein du pôle social de l’organisation patronale, Florence Poivey ne ménage pas sa peine pour accélérer la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2014.
Le PDG d’Union Plastic, qui a récemment passé la main, incite tous les acteurs à jouer le jeu, et à faire de cette réforme « un levier de compétitivité, un outil au service du business ». D’autant plus que le nouveau dispositif allège les obligations des entreprises de plus de dix salariés. Leur taux de cotisation est ramené à 1% au lieu de 1,6%. Sans parler de l’impact de la simplification : plus de règles administratives et fiscales alambiquées, un seul collecteur, un seul bordereau de versement et, pour couronner le tout, une consultation unique des instances de représentation.
Florence Poivey n’omet pas les avantages pour les salariés qui vont « devenir acteurs de leur parcours et de leur promotion professionnels », grâce au compte personnel de formation (CPF), crédité jusqu’à un plafond de 150 heures par salarié. Les demandeurs d’emploi aussi devraient sentir les effets bénéfiques de la réforme. Le délai d’attente moyen avant de bénéficier d’une formation qualifiante pourrait passer de sept mois à seulement quelques jours. Les listes de formation éligibles au CPF, établies au niveau des branches, sont censées permettre une identification très rapide des cursus appropriés à chaque situation.
Pas facile d’associer les copilotes
Il ne resterait donc qu’à dérouler le dispositif sur lequel misent les partenaires sociaux ainsi que le gouvernement, pour au moins trouver preneurs aux postes laissés vacants dans des métiers en tension, à défaut de réduire significativement le taux de chômage. La réalité est moins linéaire.
La loi n’a pas seulement modifié les taux de contribution et les droits d’accès. Elle va aussi bousculer les centres de décision. Et les luttes de pouvoir autour du pactole de la formation ne font que commencer.
Des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle ont été créés. Ils sont copilotés par le préfet agissant au nom de l’État et le président du conseil régional.
Le compte personnel de formation n’est qu’un des aspects de la réforme. Le dispositif, plus exigeant en matière de qualité et de résultat, bouscule la gouvernance et redéfinit les rôles des acteurs.
L’entente n’est pas garantie partout, les régions montrent déjà des signes d’autonomie de décision qui irritent les acteurs publics nationaux, dont l’Afpa et Pôle emploi. Tout cela a pour toile de fond le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale, en discussion au Parlement.
Le ministre du Travail, François Rebsamen, n’ignore rien de la partie qui se joue en coulisses. « la question n’est pas de se battre pour savoir si on peut confier à un seul pilote l’ensemble des avions, mais de former une escadrille avec un plan de vol commun», exhorte t- il. Il se veut rassurant : « avec la loi du 5 mars 2014, nous avons clarifié les compétences et organisé la coordination des acteurs sur le terrain. la région est désormais pleinement responsable en matière d’orientation, de formation professionnelle et de développement économique : il lui appartient d’abord de se saisir pleinement de ces responsabilités et nous savons qu’il y a encore des efforts à faire dans ces domaines », analyse-t-il.
Le nouveau mécanisme va également forcer les organismes collecteurs à sortir de leur torpeur pour s’inscrire dans une logique de service, en particulier en direction des TPE et PME. La réforme a en effet multiplié par six la solidarité entre grandes et petites structures, en laissant le taux de contribution de ces dernières inchangé (0,55%). « Hier simples collecteurs, les opca deviennent des prestataires choisis selon la qualité de leurs interventions en matière d’ingénierie sur mesure, d’optimisation des coûts, de suivi de la qualité des formations », insiste Florence Poivey. Il pourrait y avoir de la casse. Plusieurs dirigeants d’Opca n’excluent pas de réduire les effectifs, ou de modifier les proportions de personnels administratifs et commerciaux. Dans tous les cas, il va falloir se serrer la ceinture afin de minimiser les coûts de gestion.
La qualité des formations, un impératif
Les organismes de formation aussi verront leurs pratiques évoluer, sous la pression des entreprises, des partenaires sociaux et des opérateurs publics de l’emploi. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’existe aucun mécanisme national d’évaluation systématique des stages et cursus financés. Pourtant, 13Mds€ sont en jeu. Pas étonnant, dans ce contexte, que la France se situe en queue de peloton des pays de l’OCDE, en matière de retour sur investissement. Et cela doit changer, réclament les partenaires sociaux. Ce sera bientôt chose faite avec le décret sur la qualité, en préparation. Les entreprises elles-mêmes vont virer leur cuti. Elles ont acquis plus de liberté d’investissement, mais il leur reste à apprendre l’art du reporting dans le domaine précis des dépenses de formation. C’est l’objet d’un grand chantier lancé par la patronne de la DGEFP, Emmanuelle Wargon, auquel participent la Fédération de la formation professionnelle (FFP) et la direction générale des entreprises (DGE).