Le premier syndicat de France connaît une interminable crise déclenchée par des révélations sur les dépenses somptuaires de son secrétaire général. Sa succession, source de rebondissements, ne sera pas bouclée avant le 51e congrès qui aura lieu à la date prévue.
Le feuilleton de la succession de Thierry Lepaon à la tête de la CGT est parti pour durer. Le dernier épisode en date, celui de la candidature de Philippe Martinez, patron de la Fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM, 62000 adhérents revendiqués), en appelle d’autres. Le 13 janvier, le comité confédéral national (CCN) réuni en séance extraordinaire s’est en majorité prononcé en sa faveur (57,5%). Un score insuffisant, selon les statuts alambiqués de l’organisation. Ils requièrent, pour cette élection, un quasi-plébiscite de deux tiers des grands électeurs que sont ces 29 patrons de fédérations et des 96 unions départementales, soit 125 dirigeants de premier plan. Or, 41,6% d’entre eux ont refusé leurs voix au postulant, tandis que 1% s’est abstenu. La veille encore la commission exécutive du mouvement semblait s’accorder, par défaut, sur l’ex-délégué central de Renault. Mais tout n’est pas perdu pour le patron de la troisième structure professionnelle de la confédération, après les services publics et collectivités territoriales (près de 81000 cartes) et la santé-action sociale, forte, elle, d’environ 75000 cotisants.
Prochain épisode programmé en février
À la suite du vote, « les membres du comité confédéral national de la cgt ont décidé de confier à Philippe Martinez, pressenti pour être le futur secrétaire général de la cgt, le pilotage d’un collectif chargé de leur présenter une nouvelle proposition de bureau confédéral » lors de leur prochaine réunion – ordinaire, cette fois – les 3 et 4 février prochain, fait-on savoir au siège, à Montreuil.
En revanche, pas question d’anticiper le 51e congrès, comme le réclamaient plusieurs opposants à la ligne officielle actuelle. À moins d’un revirement, ce jamboree aura lieu à la date prévue, au printemps 2016. Cette période intermédiaire serait mise à profit par un groupe de travail chargé de «définir des principes communs sur les moyens mis à disposition des dirigeants de toutes les organisations de la CGT ».
Cela sonne comme un gage donné à ceux, nombreux dans les rangs, qui réclament une direction confédérale transitoire dont le mandat unique serait la convocation et la préparation d’un congrès des 18200 syndicats qui forment l’ossature du mouvement. Sans pour autant désavouer l’ensemble de la direction en place.
Après le scandale qui a provoqué la chute de Thierry Lepaon et de l’équipe en place (travaux dispendieux dans son appartement de fonction et dans son bureau, primes contestables perçues avant de prendre ses fonctions de numéro un), le CCN a « acté à l’unanimité les mesures adoptées par la commission exécutive de la cgt, le 7 janvier dernier, visant à renforcer les procédures financières de la confédération, et le recrutement d’un directeur ou d’une directrice de l’administration confédérale ».
la saga en cours n’est pas sans rappeler celle de la succession de bernard thibault, au cours du printemps 2012. dans les rôles phares, nadine Prigent, agnès naton et éric aubin, tous écartés.
Les candidatures font défaut
Reste à savoir quel professionnel et connaisseur de la maison briguerait un poste aussi exposé. Discrètement approchés, plusieurs trésoriers et anciens trésoriers de structures internes ayant le profil ont déjà décliné la proposition de poste, conscient qu’il ne sera pas simple de composer avec les sept membres de la commission financière et de contrôle. L’éviction sans état d’âme, début décembre, d’Éric Lafont, le trésorier qui avait validé les dépenses somptuaires en cause, ne les rassure pas.
Alors qu’elle s’enlise ainsi dans la crise, la CGT tente de préserver sa capacité à mobiliser ses troupes et insiste sur « la nécessité et l’urgence de prendre des initiatives pour favoriser l’intervention des salariés, des retraités et des privés d’emploi afin de rompre avec les politiques libérales qui font reculer la société ».
La loi Macron en ligne de mire
Sa première cible est le projet de loi Macron dont l’examen débutera à l’Assemblée nationale le 26 janvier. En réalité, la première confédération de France est muette depuis deux mois, tétanisée. Pire, la désorganisation serait telle que des délégations chargées de négocier les accords interprofessionnels seraient constituées sans mandat.
Cela aurait été le cas de pour les représentants de l’organisation qui, mi-décembre, ont discuté et signé l’accord renouvelant le contrat de sécurisation professionnelle. Une signature contestée par une partie des troupes, bien que la direction assure avoir préalablement consulté ses structures internes. D’où la revendication qui court actuellement dans les rangs, relayée en particulier par la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication: « les mandats doivent être impératifs pour les négociateurs et ils doivent intervenir selon les décisions de la CGT et en consultation permanente des syndicats », réclame cette composante qui compte 17000 cartes. Un premier test de cette exigence pourrait être fait dans le cadre de la difficile négociation sur la modernisation du dialogue social qui reprend ce jeudi au siège du Medef.
Bref, une aspiration à plus de démocratie, à moins de bureaucratie. Cet aspect de la contestation ambiante est omis par les dirigeants actuels. Un sujet qui attend leurs successeurs.