En France, Renault se trouve dans la situation paradoxale d’une entreprise dont les résultats commerciaux sont les meilleurs depuis six ans, mais où le climat social n’est pas serein. Avec des livraisons en hausse de 3,4 % en 2017, “le gr upe réalise sur ce marché sa deuxième meilleure performance du XXIe siècle”, se flatte la direction. Et pourtant, le 30 janvier, jour de la première réunion de négociation des salaires pour 2018, la production a été perturbée par des débrayages à l’appel de la CGT, afin de “soutenir les revendications, sans se laisser anesthésier par l’annonce d’une prime for faire”.
Le coup de semonce est supposé impressionner la direction à laquelle il est réclamé : des augmentations générales pour tous, un treizième mois, une revalorisation de 10 % de toutes les primes, un salaire de base minimum de 1 800 € au lieu des 1 489,15 € actuels. Une entreprise capable de verser 1, Md€ de dividendes à ses actionnaires après leur en avoir octroyé 930 M€ en 2017 en est bien capable, dit en substance la CGT. Les autres syndicats du groupe sont d’accord avec elle pour réclamer des mesures générales pour tous.
Le DRH France, Tristan Lormeau, va se livrer à un exercice délicat dans les prochains jours : minimiser la portée du résultat économique devant les représentants du personnel. Il n’est pas seul dans ce cas. Les DRH de Covéa, de Thales, d’Eurotunnel, et de JC Decaux se sont aussi livrés ou se préparent à la même contorsion.
Chez l’assureur mutualiste, le PDG, Thierry Derez s’est félicité que le groupe confirme en France son leadership en assurances de biens et responsabilité, consolide ses fondamentaux, avec “de bons résultats en 2017, dans un secteur en pleine mutation”. Pourtant, Covéa, après la signature d’un constat de désaccord, appliquera des mesures salariales unilatérales, parcimonieuses : +0,9 % d’augmentation générale et entre 1 % et 1,9 % de reconnaissance individuelle selon les statuts. Les revendications les plus modestes faisaient état de 1,5 % pour tous.
La situation est similaire au sein de Thales qui vient de boucler un exercice 2 017 record, avec un carnet de commandes à ras bord pour deux ans. Le budget global de 1,6 %, hors promotions, en baisse par rapport à l’an dernier a eu le don de fédérer en intersyndicale la CFDT, la CGT, la CFE-CGC, la CFTC et FO. Leurs représentants font un lien avec l’augmentation annuelle de 15 % des dividendes.
Chez Eurotunnel dont le big boss, Jacques Gounon, souligne la bonne performance (+4 % de chiffre d’affaires), l’offre ultime de 1,3 %, agrémenté par un bonus était à prendre ou à laisser. Chez JC Decaux où on entre dans le vif du sujet ce 1er février, l es syndicats insistent aussi sur les bons résultats en France, mais ils ne se font pas d’illusion sur l’issue des discussions.