Pourvu que le barrage érigé par l’État à travers l’activité partielle, les allégements de charge et les reports de cotisations tienne bon. Les défaillances d’entreprises repartent à la hausse, les plans sociaux et les formes atypiques de ruptures de contrat de travail aussi. Le flux des nouveaux inscrits à Pôle emploi commence à enfler.
L’économie nationale découvrira dans les prochains mois la vraie facture de la crise sanitaire, à travers l’évolution des défaillances d’entreprises et la courbe du chômage. L’addition pourrait être particulièrement salée si la digue érigée par le gouvernement dès le début de la pandémie de covid 19 cède.
Jusqu’ici, les mesures d’urgence atténuent efficacement le choc. Sur les neuf premiers mois de l’année, les tribunaux ont prononcé 24 000 ouvertures de procédures collectives, soit le plus bas niveau jamais enregistré depuis 30 ans.
La société Altares, spécialiste mondiale de l’information sur les entreprises qui publie un panorama trimestriel des sociétés en difficulté, confirme. “L’État, qui a très tôt mis en place des mesures de soutien dont le chômage partiel, les prêts garantis, les reports de cotisations et l’aménagement des règles de cessation de paiements, a permis aux entreprises de tenir le choc, jusqu’à présent”, analyse le directeur des études, Thierry Millon.
Le régime AGS, appendice de l’Unédic qui se substitue aux employeurs à la peine pour payer les dettes sociales et notamment les salaires, constate aussi un niveau défaillance particulièrement bas. Même s’il a répondu à un peu plus de 21000 nouveaux appels au secours, en 2019.
Effort exceptionnel des AGS
L’organisme piloté par Christian Nibourel, président du conseil d’administration, et Houria Aouimeur-Milano, directrice nationale, continue d’épauler les sociétés en difficulté, après leur avoir consenti 1,5Md d’avances l’an dernier. Il a assoupli les conditions exigées des entreprises en procédure collective lorsqu’elles sollicitent un plan de redressement ou un plan de sauvegarde, via l’allongement des délais de paiement, jusqu’à 24 mois. Dans le même temps, l’AGS est resté au chevet des salariés dont l’employeur a un genou à terre. Dans la grande majorité des cas, leurs salaires ont été versés dans les trois jours suivant la présentation de la requête. De même, la prise en charge de la part revenant à l’entreprise en cas de chômage partiel est accélérée.
Les chômeurs inscrits à Pôle Emploi n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir entrer en formation. La demande augmente de 37 % par rapport à l’année dernière. Un tiers des intéressés mobilise son CPF.
Toutefois, ces situations exceptionnelles n’ont pas vocation à perdurer, tandis que la pandémie continue de sévir, entraînant des conséquences économiques de même ampleur.
Thierry Millon anticipe une dégradation. “Plusieurs signaux nous alertent, en particulier la proportion grandissante de liquidations directes, révélatrice d’entreprises qui ont sans doute trop attendu pour se déclarer en cessation”. Si la casse sociale reste contenue, l’état des sociétés malades tend à empirer. “Alors qu’elles représentent traditionnellement un peu plus de deux procédures sur trois (68,4 % à l’été 2019), les liquidations judiciaires concernaient au 3e trimestre 2020, plus de trois dossiers sur quatre (75, 8 %), soit 5081 sociétés au total”, détaille le directeur des études d’Altares.
La liste des sociétés déclarées définitivement non viable s’est allongée ces derniers mois. Eurolines, Cityjet France, Pronuptia et Bourbon Corporation en font partie.
Après l’activité partielle, les plans sociaux
Les conséquences de la situation économique sur l’emploi restent contenues grâce au recours massif à l’activité partielle de longue durée qui a pris le relais du chômage partiel d’urgence et fait l’objet de multiples accords collectifs dans de nombreuses entreprises. La Dares dont le dernier décompte date du 11 octobre dernier, estime que 149 000 demandes de prise en charge partielle d’indemnisation ont été déposées pour le mois d’août par 132000 entreprises. Elles concernent 0,8 million de salariés et 46 millions d’heures.
Mais cette étape passée, la reprise restant hypothétique, les experts de l’organisme statistique du ministère du Travail constatent un inquiétant retour des plans de sauvegarde de l’emploi repartent à la hausse ces derniers mois. Ils sont catégoriques : “Début octobre, le nombre hebdomadaire de plans de Pse poursuit sa hausse”. La Dares en a dénombré 35, au cours de la période du 5 au 11 octobre, après en avoir comptabilisé 42, la semaine précédente, soit le plus haut niveau, depuis début juillet.
Le nombre de ruptures de contrats de travail envisagées augmente également. En cumul, depuis début mars, 72500 licenciements ont été envisagés dans le cadre de plans sociaux, c’est trois fois plus qu’au cours de la même période de 2019.
Ce n’est pas tout, les licenciements hors PSE, par groupes inférieurs à 10 personnes, les ruptures conventionnelles collectives et les départs volontaires s’inscrivent aussi à la hausse. Le ministère du Travail identifie 3800 procédures collectives de ce genre, depuis mars dernier. Les secteurs d’activité les plus concernés étant le commerce et la réparation automobile, la construction, la petite industrie et l’hôtellerie- restauration. Pôle Emploi voit ainsi arriver ces derniers mois un flux d’environ 125000 demandes d’inscription par semaine. Les mesures palliatives ont leurs limites.