Le sujet ne figure pas au menu du colloque qu’organise l’Association pour le développement des ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux (Adrhess), le 10 mai prochain, au ministère des Affaires sociales et de la Santé. Mais le nouveau bras de fer juridique entre les hôpitaux et les cabinets d’expertise intervenant auprès des CHSCT sera sur toutes les lèvres. La question pourrait même s’inviter à une table ronde prévue sur l’animation du dialogue social au sein des établissements hospitaliers. Les débatteurs n’affectionnent pas praticiens de la langue de bois : le juriste Jean-Yves Copin du Centre national d’expertise hospitalière, bon connaisseur des CHSCT, le consultant Jean Kaspar ( JK Consultants), et Henri Poinsignon, ancien directeur d’hôpital.
Mis sous pression par des comités d’hygiène et de sécurité soucieux d’anticiper les implications des réorganisations, réductions d’effectifs et coupes budgétaires, les directeurs d’établissement et leurs DRH sont nombreux à vouloir freiner l’envolée des expertises. Comme à Toulouse et à Montauban où les représentants du personnel sont contraints de défendre leurs droits devant les tribunaux, ces dernières semaines.
Si le patron de AP-HP, Martin Hirsch, dos au mur après un suicide, s’est offert le luxe d’un double état des lieux mené par les cabinets Emergences et Secafi, bon nombre de ses homologues contestent l’opportunité des audits. Il est vrai que les CHSCT ne sont pas encore totalement investis du rôle qui devrait être le leur : les trois quarts des CHU ne les réunissent que quatre à cinq fois par an selon une enquête de l’Adrhess, alors que 51 % des mouvements sociaux dans les hôpitaux portent sur les conditions de travail, 71 % si l’on inclut les horaires. D’autres, plus subtilement, prétendent les soumettre à la procédure des marchés publics. Même si les commandes sont couramment facturées dans une fourchette comprise entre 35000 et 50 000€, rarement au-dessus de 100000 €.
Les dirigeants réfractaires sont encouragés par la Fédération hospitalière de France (FHF). Elle fait un inlassable forcing auprès de Bercy depuis six ans afin d’encadrer les commandes. Sa dernière initiative, engagée par le délégué général, Gérard Vincent, et fondée sur la directive européenne 2014-2024/UE, a eu le don d’irriter le Syndicat des experts agréés CHSCT (SEA). Son président, Dominique Lanoë, martèle que ce débat “est déjà juridiquement clos” et invite les dirigeants concernés à ne pas rallumer la mèche. Tous ne suivent pas son conseil. Épaulés par des avocats procéduriers, plusieurs hôpitaux font indirectement obstacle aux investigations, sur le mode: “la direction ne s’oppose pas à l’expertise, mais ne réglera aucune facture émise en l’absence d’appel d’offres”.