Un statut tout neuf pour les cadres d’ici au printemps, c’est possible si les trois rounds de négociation programmés d’ici là par les organisations patronales et les confédérations syndicales se déroulent sans encombre ni clash. L’intermittence qui caractérise cette négociation en chantier depuis 2016 et les récents claquements de porte à l’assurance chômage laissent penser que ce sera plus ardu.
Les trois rendez-vous que le patronat et les syndicats se sont fixés pour le 5 mars, le 29 mars et le 19 avril pour négocier le statut de l’encadrement ne seront sans doute pas les seuls. Relancé le 24 janvier après neuf mois d’interruption, les discussions se dérouleront à partir de positions éloignées. Le Medef ne veut pas être durablement lié par un accord national interprofessionnel détaillé pouvant empiéter sur les prérogatives des branches et des entreprises. Le patron des patrons, Geoffroy Roux de Bézieux, persiste et signe: “Dans l’économie d’aujourd’hui, il est extrêmement difficile de définir comme on l’a fait en 1947 de manière nominative et précise, ce qu’est un cadre”. Pour preuve, cette notion « n’existe qu’en France et dans aucun autre pays de l’OCDE ». En outre, le patronat tient à « respecter la liberté d’organisation des entreprises ainsi que leur besoin d’adaptabilité aux nouvelles organisations du travail »
La prévoyance, priorité du Medef
En revanche, ces négociations donnent l’occasion de « tirer les conséquences de la mise en place du régime unifié de retraite complémentaire ». Autrement dit, l’essentiel est de traiter la prévoyance spécifique à cette catégorie, en renvoyant la question du statut aux discussions au sein des familles professionnelles. Une définition light, applicable en l’absence d’accord de branche suffirait.
C’est notoirement insuffisant, répliquent les syndicats, chacun dans son style. Pour l’Ugict-CGT emmenée par Sophie Binet et Marie-José Kotlicki, secrétaires générales, « le Medef détourne l’objet même de la négociation au profit de ses intérêts financiers ». De son côté, la CFDT estime que « cette négociation est l’occasion de mettre en phase le quotidien des cadres et les dispositions réglementaires de leur activité ». Lesquelles ne sont pas inscrites dans le Code du travail. Les négociateurs syndicaux placent derrière ce chantier un enjeu plus vaste que le financement de la prévoyance et la simple définition d’un statut.
Pour les syndicats, le champ est plus vaste
Ils y incluent le recrutement, le déroulement des carrières, l’éthique professionnelle, la mobilité choisie, l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. Bref, ils entendent rénover et renforcer la fonction. Même si les priorités et les pistes pour y parvenir diffèrent.
Tous les syndicats en appellent à l’ingénierie de l’Apec pour aider les partenaires sociaux à mettre en oeuvre les critères et à sécuriser le statut de l’encadrement. la CGT propose de lui confier une mission de contrôle.
La CFDT préconise d’inscrire dans le futur accord le temps d’accès des jeunes diplômés à la fonction cadre, branche par branche, avec une durée maximale de 24 mois, périodes d’alternance comprises. Les cédétistes demandent aussi un droit au passage cadre pour les cols-bleus expérimentés ayant du potentiel. Cela pourrait passer par des entretiens professionnels et un bilan formalisés.
La CFE-CGC qui a carrément élaboré un projet d’accord structuré en 18 articles, propose de détailler le statut de l’encadrement en quatre familles, incluant les cadres de direction, les cadres intermédiaires et les ingénieurs, les maîtrises et techniciens supérieurs, les maîtrises et techniciens. Ce projet insiste sur l’égalité professionnelle dans l’exercice des missions et sur les « responsabilités particulières de l’encadrement en matière de management » Le droit à la déconnexion, le recours au télétravail, la maîtrise du temps de travail et la promotion de la sécurité, de la santé physique et mentale, figurent en bonne place.
Les propositions de l’Ugict CGT comprennent aussi des droits nouveaux. Notamment, « le droit de refus, d’alerte et d’alternative », assorti d’une protection contre toute sanction, discrimination ou mesure de rétorsion. L’organisation des cadres CGT demande que l’on fasse figurer dans le futur texte interprofessionnel, la garantie du décompte et de la rémunération des heures effectuées. En somme la fin du forfait en jours sans compensation. La CGT avance même l’idée d’un « droit à la garantie du niveau de vie en cas de chômage, d’incapacité de travail et lors de la retraite ».
Les propositions peuvent s’additionner
FO Cadres qui a pris soin de consulter ses adhérents, a également peaufiné ses revendications. Parmi les plus significatives, l’organisation conduite par Éric Peres, réclame la mise en place d’un salaire minimal pour cette catégorie professionnelle, plaçant la barre à environ 36000 €, contre un salaire cadre médian de 48000 € en 2016. L’organisation demande l’octroi d’une aide juridique en cas d’engagement de la responsabilité pénale du manager, dans l’exercice loyal de ses fonctions. Les entreprises auraient l’obligation de tenir à jour un registre de délégation. À partir d’un certain niveau de responsabilité, et le salarié aurait la possibilité de bénéficier d’une clause de conscience, permettant de quitter l’entreprise sans préavis en cas tout en bénéficiant d’indemnités de licenciement. Diverses, mais pas contradictoires, les préconisations syndicales peuvent s’additionner. Le patronat n’a pas fini d’en évaluer les conséquences.