L’une des principales embûches à la mesure de la représentativité patronale, jusqu’ici éludée par les parties en présence et même par le gouvernement, réside dans la comptabilisation des adhérents. Un sujet occulté par le mode de scrutin. Tout se passe comme si l’armée du Medef faisait face aux bataillons de la CGPME et de l’UPA. La réalité est plus compliquée, comme le montre une étude menée par une dizaine de chercheurs de l’Ires, du CEE, auxquels se sont joints des collègues des universités d’Évry, Amiens et Paris-Dauphine.
On y apprend qu’une majorité de dirigeants adhèrent d’abord à une organisation professionnelle de proximité, motivés par les services, la quête d’informations normatives, juridiques et économiques, voire les opportunités de business. Le témoignage d’un cotisant de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) résume la situation : il ignore s’il adhère ou non au Medef par le biais de sa fédération. « Je n’ai aucun papier qui me dit où je suis. »
La conclusion des chercheurs, parmi lesquels le socio-économiste Thomas Amossé, les économistes Carole Tuchszirer et Héloïse Petit, ou encore les sociologues Catherine Vincent et Gaëtan Flocco, est formelle : « Un grand nombre d’entrepreneurs acquittent ainsi des cotisations sans trop savoir à quelles structures ils sont affiliés. » D’ailleurs, certains syndicats professionnels n’appartiennent ni au Medef, ni à la CGPME.
La complexité monte d’un cran lorsqu’on sait que certaines fédérations cotisent aux deux mouvements, et que la double appartenance est monnaie courante. Cela génère des cotisations redondantes auxquelles les structures bénéficiaires se gardent bien de renoncer.
Certaines figures de la galaxie des petites entreprises sont aussi des stars dans le monde des grandes. À l’image de Florence Poivey, présidente de la Fédération de la plasturgie et des composites. Adhérente de la CGPME, elle a planché au nom des TPE-PME lors de la conférence environnementale de 2014. Cela ne l’empêche pas de porter, avec le même talent, la casquette de présidente de la commission éducation, formation et insertion du Medef.
Dans l’hypothèse où l’on parviendrait à identifier ces liens, le Medef, la CGPME tout comme l’UPA réaliseraient qu’ils ne sont pas aussi puissants qu’ils le croient. La Fondation Concorde, influent think tank de 2500 adhérents présidé par Michel Rousseau, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, leur fait crédit d’une représentativité de 8%. De son côté, le sociologue Michel Offerlé, à la tête d’une escouade de chercheurs, a enquêté sur les vrais chiffres des adhésions au Medef. Résultat : 340000 membres au maximum, loin des 780 000 revendiqués. La loi sur la représentativité va bousculer bien des certitudes.