
La pandémie de Covid-19 a profondément bouleversé nos modes de fonctionnement, et plus particulièrement celui du travail. La segmentation entre les travailleurs utiles, en première ligne – pour soigner, nourrir, transporter – et les autres, restés à domicile à marquer une nette différenciation au sein du même groupe socio-professionnel, les salariés. Dans le domaine du travail, les idées sur « le monde d’après » se sont multipliées, et le travail à distance mis en place pendant la pandémie pose cette question : « Le bureau comme lieu de travail est-il encore utile ? ».
En partant du postulat que les cultures de travail sont largement imprégnées des cultures nationales, l’étude quantitative de la Fondation Jean-Jaurès (lien ci-dessous) analyse si cet aspect s’applique aussi sur le travail post pandémie dans six pays de l’Union européenne : la France, l’Allemagne, la Suède, la Finlande, l’Espagne et la Pologne.
En analysant les dynamiques entourant le travail au bureau et le travail à domicile, l’enquête montre que dans des proportions similaires, tous les salariés européens souhaitent travailler la moitié du temps au bureau et l’autre moitié du temps en télétravail à domicile. En effet, 73% des Européens souhaitent travailler dans un bureau au moins la moitié du temps, tandis que seulement 20% souhaitent télétravailler uniquement. Cet élément signifie combien le bureau reste un lieu central du travail et qu’il n’est pas complètement délaissé par les salariés.
Le télétravail semble moins être une fuite du bureau que le souhait de travailler à domicile, car les salariés européens ne semblent pas massivement attirés par les tiers-lieux, espaces de coworking, etc. En étudiant ces premiers éléments, se dessine petit à petit un modèle européen d’organisation du travail.
Après analyse des différentes règles qui régissent le télétravail dans les différents pays étudiés dans cette enquête, l’autrice s’intéresse plus précisément à sa popularité : Très majoritairement, les enquêtés répondent que le télétravail est une bonne chose et pour les salariés (84%) et pour les organisations (82%), et les chiffrent suggèrent que plus le télétravail se pratique, plus il est considéré comme une bonne chose (respectivement 94% et 92%). Le télétravail semble s’installer de manière durable dans l’ensemble des entreprises européennes : les salariés de bureau du panel européen répondent à 78% que le télétravail est prévu et à 37% de manière régulière.
En se penchant sur la question de la valeur des tâches télétravaillables, l’enquête montre que 66% des sondés pensent que les fonctions télétravaillables sont aussi importantes que les fonctions des postes en présentiel, mais 25% estiment qu’elles sont moins importantes. C’est en Suède, que ce dernier chiffre est le plus élevé : 33% des Suédois pensent que ces fonctions sont moins importantes que les fonctions des postes en présentiel.
Les chiffres montrent de manière générale que le télétravail constitue en Europe une avancée sociale – 75% du panel européen répond que le télétravail est une avancée sociale – et qu’il améliore considérablement les conditions de vie – plus que les conditions de travail. Le télétravail apparaît alors comme un sujet complexe, protéiforme et draine avec lui de nombreux autres sujets de société.
Par Sarah Proust, consultante, experte associée à la Fondation Jean-Jaurès
Télécharger le rapport de la Fondation Jean-Jaurès