Le télétravail impose une adaptation du droit du travail

Le télétravail s’est mis en place à marche forcée lors de la crise sanitaire, il est désormais ancré dans notre manière de travailler et se trouve encore accentué avec la crise de l’énergie, les pénuries d’essence… mais le droit du travail n’a pas suivi ce mouvement et il existe de nombreux vides juridiques. 

 

Définition du télétravail :  toute forme d’organisation dans laquelle un travail est effectué par un salarié hors des locaux de l’entreprise de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Le télétravail  offre peu de certitudes et recèle de nombreuses zones d’ombres. 

 

D’abord, deux certitudes.  Primo, l’égalité de droit : les salariés en télétravail disposent des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salariés travaillant au sein des locaux de l’entreprise.

 

 Secundo, les frais de déplacement domicile-travail : l’employeur doit prendre en charge le remboursement des frais de transports publics entre le lieu de travail et le domicile du salarié, quel que soit la distance de ce domicile par rapport aux locaux de l’entreprise, et même si le choix du domicile du salarié résulte d’une décision unilatérale. Il reste possible de limiter le lieu du télétravail en prévoyant, dans un accord ou une charte, que le domicile ne doit pas être éloigné de plus de 2 heures du lieu de travail. Pareille restriction doit être justifiée par l’intérêt de l’entreprise.

 

 Ensuite, les zones d’ombre.  Elles concernent en premier lieu les frais liés au télétravail :  prise en charge par l’employeur des dépenses engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle ; une indemnité d’occupation du domicile de 20 euros par mois et par salarié est versée en moyenne. Selon la Cour de cassation, le salarié ne peut y prétendre si l’employeur met un bureau à sa disposition ou si le télétravail résulte du choix du salarié et non de l’obligation ou de la demande de l’employeur. 

En second lieu, le contrôle du temps de travail : l’employeur doit opérer le même contrôle que pour les salariés sur site. Or ces règles sont en opposition avec les aspirations du salarié dans le cadre du télétravail. De plus, il est impossible de mettre en place au domicile du collaborateur des outils de contrôle qui seraient attentatoires à la vie privée… C’est à l’accord collectif ou à la charte de prévoir les plages horaires pendant lesquelles le salarié est censé être joignable. 

 

 Par ailleurs, la loi est muette en ce qui concerne l’attribution des tickets restaurant aux télétravailleurs : en attente d’une décision de la Cour de cassation, les deux principales juridictions judiciaires (Paris et Nanterre) ont une position contraire.

 

La surveillance des télétravailleurs  est aussi incertaine : conflit avec le droit au respect de la vie privée. En revanche l’employeur peut surveiller la connexion internet et la boite mail professionnelle. 

 

Une autre imprécision touche au choix du lieu du télétravail : la crise a accentué les mobilités géographiques et l’employeur doit rembourser les frais de transports publics à hauteur de 50% (taux légal obligatoire et possibilité jusqu’à 75%), peu importe le lieu du télétravail. Cependant, le code du travail ne prévoit rien sur le sujet mais il est conseillé de soumettre ce sujet à l’accord de l’employeur. 

 

 Les risques liés au télétravail  posent également des problèmes: un chantier important pour l’employeur qui reste responsable de la prévention des risques liés au télétravail : l’aménagement du poste, risques psychosociaux…

Les accidents du télétravail : ce sont ceux qui se produisent au temps et au lieu du travail avec un lien direct entre l’accident et l’activité professionnelle, mais cette notion est difficile à cerner au domicile. 

 

Pour couronner le tout, la fin du télétravail  ne répond pas à des règles communes dans toutes les organisations. L’accord ou la charte instituant le télétravail doit prévoir les cas de retour à une exécution sans télétravail ; à défaut, pas de réversibilité sans l’accord du salarié. Le télétravail est dorénavant de plus en plus mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe. Il est par ailleurs utile de préciser que l’employeur ne peut pas l’imposer, sauf circonstance exceptionnelle (crise sanitaire, entreprises en full remote, etc. En l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils doivent formaliser leur accord par tout moyen.

 

Par Emilie Meridjen, associée en droit du travail , chez Sekri Valentin Zerrouk